Le "perroquet stochastique" serait né en 2021 dans cet article "On the Dangers of Stochastic Parrots: Can Language Models Be Too Big?" de Timnit Gebru, Emily Bender et leurs co-autrices. Les Anglais ont une expression consacrée : "They coined the term". Et ce perroquet, de par ses données d'entraînement limitées, génère une production linguistique plausible, comme le ferait un enfant régurgitant sans comprendre ses leçons. Il a bien le son, mais en ignore le sens.
Pourtant, Rose Bertin, la première créatrice de mode française, nous indiquait : "Il n'y a de nouveau que ce qui est oublié."
Et c'est à Chateaubriand, bien avant la Silicon Valley, ChatGPT, Claude ou Mistral, que l'on doit ce perroquet stochastique. On le retrouve au cœur même des Mémoires d'Outre-Tombe !!!
« Comme la grive d'Agrippine gazouillait des mots grecs sur les balustrades de Rome, tel sera tôt ou tard le sort de nos jargons modernes, débris du grec et du latin. Quelque corbeau envolé de la cage du dernier curé franco-gaulois dira, du haut d'un clocher en ruine, à des peuples étrangers, nos successeurs : "Agréez les accents d'une voix qui vous fut connue : vous mettrez fin à tous ces discours." Soyez donc Bossuet, pour qu'en dernier résultat votre chef-d'œuvre survive, dans la mémoire d'un oiseau, à votre langage et à votre souvenir chez les hommes ! »
— Mémoires d'Outre-Tombe, livre VII, chapitre 10.
Pour Chateaubriand, les langues sont des monuments de l'esprit qui disparaissent avec leurs locuteurs, oscillant entre puissance de l'oubli et force de la mémoire.
Le récit est fascinant, la langue humaine ne meurt pas. Elle se réfugie ailleurs, parfois dans la mémoire d'un piaf, entre mémoire et oubli. Et re-voilà notre perroquet stochastique : un être simili-vivant, non pensant, répétant sans comprendre, restituant des sons appris par imprégnation, d’un autre temps, d’un autre monde.
L'IA générative est plausible, c’est sa cause. Elle perpétue, à sa manière, ce que Chateaubriand avait prophétisé : le langage détaché de la pensée, le son sans le sens.
Oh, savoir sans saveur !
Et à la fin, écrivains et ingénieurs s'inclinent devant Borges : "L'écrivain écrit ce qu'il peut, le lecteur lit ce qu'il veut."
C.Q.F.D.